Au moment où les médias commencent à pleurer sur la fréquentation touristique maussade de l’été 2014, dont la cause est systématiquement mise sur le mauvais temps ou les habitudes qu’auraient pris les français de partir plusieurs fois dans l’année au détriment des vacances d’été, il est utile de se poser les bonnes questions en regardant les chiffres.
Depuis une dizaine d’années, le taux de départs en vacances ne cesse de se dégrader.
Selon le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Credoc), les Français étaient 66 % au milieu des années 1990 à profiter d’un séjour estival pour couper avec leur quotidien. Ils ne sont plus que 57 % en 2013. Mais il serait faux de parler d’un recul général. Cette baisse du taux de départs est creusée par les catégories les plus pauvres.
L’année dernière, près de 80 % des foyers gagnant plus de 3 000 euros ont continué à programmer un séjour de vacances durant l’été. Un chiffre stable. Mais 3000€ représentent deux salaires à peine supérieurs au Smic; ce n’est pas l’opulence !
En revanche, seuls 31 % à 34 % des foyers ayant un revenu inférieur à 1 200 euros ont tablé sur un départ, reculant de plus de dix points par rapport à 1998.
Sur quinze ans, ce sont les catégories sociales aux revenus les plus faibles, qui ont enregistré la baisse la plus conséquente, mettant en évidence la dégradation du pouvoir d’achat des salaires, l’accroissement du chômage et la précarité.
“Le fossé des vacances se creuse”, constate Sandra Hoibian, chercheuse au Credoc, interrogée par l’Humanité. “Depuis 2008, les plus modestes ont pris de plein fouet la crise et ne s’en remettent pas. Le taux de départ des plus pauvres n’a jamais été aussi bas depuis le milieu des années 1990. Les autres catégories, elles, ont tendance à repartir en vacances davantage depuis 2010.”
Les inégalités face au droit aux vacances sont encore plus flagrantes entre enfants.
Sans surprise, 95 % des filles et fils de ménages gagnant plus de 5000 € par mois partent en vacances; à eux les stages de voile ou d’équitation, stages de surf au soleil, séjours à l’étranger, etc.
Par contre 34% des enfants d’ouvriers et 50% des enfants des familles les plus modestes ne partent pas en vacances.
Sans surprise, dans plus de la moitié des cas de non-départ en vacances (52 %), ce sont les raisons financières qui sont invoquées.
Cette compression du budget touche également ceux qui peuvent encore partir. Désormais, on prend la voiture dans 80 % des cas, on va chez des amis et de plus en plus dans la famille, et, surtout, on reste en France.
Comme le relèvent les études, les situations de non-départ sont encore plus compliquées dans le cas de familles monoparentales.
Tous ces chiffres mettent en évidence la limite des politiques du “tout tourisme” mises en oeuvre par les gouvernements successifs, pour l’emploi. Certes l’apport des touristes étrangers est bon pour le tourisme (mais les touristes étrangers, majoritairement des salariés, subissent des politiques d’austérité dans leurs pays, ce qui en réduit le nombre). Pour assurer une fréquentation touristique optimum, il faudrait augmenter les taux de départs en vacances des français; pour cela aussi il faut augmenter les salaires !